l4o              MEMOIRES OB PIERRE DB L'ESTOILE.
qu'il nous conserveroit nostr'è religion. «Mais, mes amis, « dist-il, je vous asseure que si jamais ce meschant re-« laps et excommunié y entre, soit par ceste porte ou « une autre, qu'il nous ostera nostre religion, nostre « sainte messe, nos belles cerimonies, nos reliques) « fera de nos belles eglises des estables à ses chevaux; « tuera vos prestres, et fera de nos ornemens et chappes « des chausses et des livrées à ses pages et laquais. Et « cela est aussi vrai (et je le sçais bien, à fin que vous « y preniés garde) comme est vrai le Dieu que je vais « manger et recevoir là dessus. » Lesquelles paroles offensèrent beaucoup de gens de bien de sa paroisse.
Ce jour mesme, par l'advis de tous messieurs de la Faculté de theologie de Paris, fust publié un vœu à ' Nostre Dame de Chartres pour y aller à pied, au cas que la ville ne fust prise : car en ce cas la vertu de la bonne dame expiroit, comme ayant changé de partir et estant politique. La raison de ce vœu estoit, à ce qu'ils disoient, pour rappaiser la bonne dame, qui possible estoit trop froidement et mal servie, et vouloit estre priée et importunée, aussi bien que son fils. Au demeu­rant, qu'elle n'avoit moins de puissance que celle de Lorette ; et puis qu'on lui avoit baillé les ciels de la ville, qu'elle les garderait bien, et ne les rendroit pas comme l'on pensoit à l'ennemi; mais qu'il s'en faloit rendre digne. Qui estoit le langage ordinaire que te­noient durant ce. temps les prédicateurs de Paris en leurs sermons : suivant lesquelles exhortations y eust tel con­cours et affluence de peuple à Nostre Dame à se venir enroller pour ce beau vœu, qu'on s'y entretuoit : si qu'il y eust un petit enfant estouffé de la presse, et une pauvre femme grosse qui en avorta.
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